Une
présentation
de la
ville de Lille est disponible sur wikipedia. Plutôt
que de
recopier son historique, concentrons nous sur notre période
historique.
Quel est le blason de la
ville de
Lille?
Actuellement il est
"De gueules,
à la fleur de
lis florencée d'argent.". Il serait facile de conclure
à une origine
royale. Pourtant son origine est plus prosaïque. Datant de
1199,
il représente en fait un Lys (ce qui est un jeu de mot car
ly se
dit lilia en latin) florencé pour rappeler l'Iris d'eau fort commun dans les marais
ceinturant la ville. En héraldique, il sera
représenté par un Lys florencé.
Quelle est la situation
politique et
économique de la région?
Le
XVe siècle est
une
période
d’évolution pour les Flandres. Un
résumé fort
pertinent est disponible dans
l’histoire officielle de Belgique.
« Au
XVe
siècle, toutes les régions de l'actuelle Belgique
passent
sous l'autorité des
ducs de Bourgogne, à l'exception de la
principauté de
Liège. Les ducs limitent
les pouvoirs des grandes villes flamandes. Ils créent des
institutions
chapeautant l'administration et la justice, mais les régions
préservent pour
une grande part leur autonomie. L'industrie textile des grandes villes
se
concentre sur les produits de luxe. Draps et lin bon marché
sont
produits dans
les plus petites villes et à la campagne. L'exportation
drapière échappe au
contrôle des marchands locaux. Bruges est bien le port de
transbordement des
régions situées entre la Baltique et la
Méditerranée, mais le commerce est
régi
par les marchands étrangers. Au XVe siècle, suite
à l'ensablement du Zwin, mais
aussi pour des raisons économiques et politiques, Anvers
supplante Bruges en
tant que principal port de transit d'Europe
occidentale. »
Au
XIVème siècle, la plupart des
territoires belges sont plus ou moins indépendants. A la fin
du
XIVème siècle,
ils passent, un par un, sous la domination de la maison de Bourgogne.
L'Etat
bourguignon n'est pas un état unitaire, mais bien un
assemblage
de régions
disposant chacune d'institutions et de règles propres. Elles
sont rassemblées
sous l'autorité du duc de Bourgogne, seigneur local de
chacun
des fiefs, pris
séparément. Les autorités locales sont
très
attachées à la spécificité
de leur
région et tentent, autant que possible, de contrer
l'ingérence du duc.Dans chaque région, la
politique
est le résultat d'une concertation entre le duc et les
Etats.
Les Etats forment
une assemblée où siègent des
délégués. En Flandre, les Etats ne
disposent, en
fait, que d'une fonction symbolique. Le vrai pouvoir est entre les
mains des
représentants des "quatre Membres de Flandre" : les villes
de
Bruges,
Gand, Ypres et le Franc de Bruges (région agricole
prospère située au
nord-ouest de Bruges).Malgré la structure des trois
ordres, le pouvoir des Etats en Brabant est aussi exercé par
les
villes,
principalement par Bruxelles, Louvain, Anvers et Bois-le-Duc.Dans les
provinces plus rurales
de Wallonie, le Hainaut, le Namurois, le Luxembourg, c'est la noblesse
qui
détient la suprématie.
L’état bourguignon est
essentiellement composé de deux strates de gouvernement. A
côté des autorités
locales comme les communes, Philippe le bon a mis en place de nouvelles
institutions dont le but est double : supplanter petit
à
petit les
instances locales sans pour autant risquer de choc frontal et
rationaliser
l’administration devenue singulièrement touffue
après les
nouvelles
acquisitions. En établissant une administration
régulière, le Duc renforce son
pouvoir tout en limitant les poussées centripètes
d’un
état –on ne peut parler
de pays composée d’entités fort
disparates. »
Quelle est la situation
économique de la ville?
La ville est peu
riche même si elle
fait encore parti
de la Hanse de Londres. Elle subit la présence
Française
(car elle coupe des
approvisionnements de laine anglaise) et recouvre sa santé
au
milieu du XVe
siècle. La vente du drap est la principale
activité. Le
commerce d’argent est
tenu par les Lombards, avant tout prêteurs sur gage, qui
contrôlent les tables
de prêt par exclusivité sous paiement
d’une redevance. Ils
sont exempts de taille
et imposition. Les marchands locaux réalisent eux
même des
opérations de banque
(comme Bocquet de Lattre, Henri de Tenremonde et Jean le Gantois en
1431).
La ville vit largement au dessus de
ses moyens
et sa
gestion est une vraie pétaudière. Elle emprunte
largement
en rentes viagères et
près de a moitié du budget, en 1465, est
consacré
au paiement des rentes sur
les emprunts passés. L’administration est fort
problématique : les
bourgeois jouent sur l’octroi et la taille. Tout en
augmentant
l’octroi, ils se
donnent des privilèges leur permettant de ne pas la payer,
ce
qui fait porter
les charges sur les moins riches. La ville doit aussi emprunter de
l’argent.
Elle est par contre fort fidèle au Duc de bourgogne, ce qui
contraste singulièrement avec les villes de Gent et Bruges.
On
peut se demander
si la
situation déficitaire de la ville
n’était pas en fait
voulue par les Echevins.
En effet ces bourgeois, les plus riches de la ville, ont les moyens de
prêter
de l’argent à la ville. En échange ils
reçoivent
une rente viagère de 8 à 10%.
Ce taux, pour une rente viagère, est bien trop
élevé puisque le capital n’est
jamais remboursé. A l’époque il est
d’autant plus
gigantesque que l’inflation
est maîtrisée (on est plus en période
de
déflation par manque d’instruments
monétaires). En rendant la ville déficitaire, ils
s’adjugent une rente à un
taux très avantageux, sans aucun risque. Les Echevins sont
tout
aussi rapide
pour faire des dons au Duc. Pour le dissuader de regarder dans les
comptes de
sa bonne ville ?
En
tout cas la
lecture des
archives indique bien que les échevins avaient
court-circuité la majorité des
organes de contrôle en particulier en faisant ajouter une
clause
de
confidentialité des délibérations du
conseil, en
opposant châtelain et bailli et en contrôlant les
élections des "comtes de
la hanse", qui sont eux même chargés de certifier
les
comptes... des échevins. Il nous reste des plaintes des
bourgeois indignés de voir les échevins banqueter
aux
frais de la ville et offrir des gratifications en vin (ce qui en soit
n'est pas anormal à l'époque, ce qui l'est est la
quantité en jeu).
L’audit (c’est
le terme le plus
approprié) de 1467 conclut
à des prévarications, abus de toutes sortes, vols
à tous les niveaux. Tout le
système, à commencer par les Echevins, est
corrompu et
agit plus à son propre
bénéfice qu’à celui de la
ville. Ce bilan est
extrêmement sévère. Les comtes de
la Hanse sont destitués et remplacés par un
argentier nommé par le duc, les dépenses
réduites,
les abus les plus criants
dénoncés. La ville est en situation de faillite
et ne
peut plus payer les aides
au Duc, qui doit recourir à des emprunts forcés
auprès des plus riches
bourgeois.
Les scandales de
Lille au XVe siècle::
- Les
Bourgeois non nécessiteux se sont fait porter sur les
rôles des Hôpitaux et
bénéficient de leurs
aides!
- La
ville casse les gages de deux médecins serpentés
de la
ville (payés six livres par ans) car ils ne sont pas assez
dociles !
- Des
bourgeois se sont fait choisir comme tuteurs des orphelins. Une fois
ces derniers placés chez eux, ils ont emprunté
des fonds
aux orphelins, contre un reçu donné aux
Gard’orphènes. Ils se sont ensuite fait nommer
Gard’orphènes… et ont fait
disparaître le
reçu !
- Les
Echevins se font donner du vin par la ville comme gratification. Ils
n’écoutent pas les autres membres du conseil de la
ville.
- Les
frais de bouche ruinent la ville ! Les Echevins mangent
régulièrement aux frais de la ville.
- La
taille est sujette à de nombreuses fraudes !
Certains ne
payent pas ou corrompent les bourgeois chargés de sa
collecte.
- Les
biens de la ville
sont occupés à titre gracieux
par des obligés des Echevins !
Quelle est la
taille de la ville vers
1450?
Elle se limite à ce que nous appelons fort logiquement de
nos
jours "le vieux lille".
Quelques sont les dates
importantes de la
décennie?
En 1445, Lille compte 25 000 habitants. Philippe
le Bon fit
de Lille une capitale administrative et financière.
1451 Révolte
des Gantois
1452 Mariage de
Adolphe de
Clèves, neveu de Philippe le Bon et de Isabelle de Coimbre
2 Mars 1452 : la
ville de
Lille doit accorder 4000 francs au Duc. La ville doit emprunter en
rentes
viagères.
15 Mars 1452, Gant
est au ban des
états
24 Mars 1452, lettre
des Gantois
au Roi de France adressant leurs griefs.
19 Avril 1452,
recensement des
hommes de Lille, établissement de quatre Quarteniers,
commandant
de chaque
paroisse.
25 Avril 1452,
délivrance
d’Audenarde, la citadelle Bourgignone
29 Juillet 1452, début de la
conférence à Lille entre le
comte de Charolais, le comte d’Etampes, les Gantois.
4 Septembre 1452,
sentence des
ambassadeurs. Gant refuse les propositions (fort dures il est vrai)
24 Septembre 1452,
les Gantois
brûlent
Harlebeke.
Mars
1453, nouvelles
négociation
à Seclin, sans résultat.
Avril 1453, offensive
des Gantois
jusqu’à Tournais.
23 Juillet 1453,
victoire des
Bourguignons sur les Gantois à Gavre
31 Juillet 1453, Paix
et amende
honorable des Gantois.
9 Novembre 1453,
arrivée du
messager du Pape Nicolas V demandant secours pour les
chrétiens
d’orient,
Constantinople étant tombé le 29 Mai 1453.
22 Janvier 1453,
festin de
Adolphe de Clèves dans l’hôtel de Waleran
5 Février
1453, banquet du comte
d’Etampes
17 Février, fête de Philippe le
bon, appelé le vœu du
Faisan. Ce banquet est probablement l’un des plus luxueux de
ce
siècle. Le
duc et ses suivants y
firent le serment
sur un faisan richement paré de porter secours à
la
Chrétienté.
18 Février
1453, banquet « à
toutes les dames » et joutes
1454
Mariage du Comte
de
Charolais
1454 Plainte des
tisserands
contre les drapiers les accusant d’embaucher des valets
flamands pour
fabriquer
directement. Interdiction de vente hors de la halle (pour
vérifier la
provenance et probablement augmenter les revenus de la ville qui vend
les
places à prix d’or).
Mars
1455,
prêche de frère
Didier, célèbre prédicateur.
1456 Prêches du
Cordelier Pierre
le Gros
Chaque année, Fête de l’Epinette.
Ces réjouissances sont une fête
majeure pour lille. Il s’agit d’un ensemble de
concours et joutes sous
la
direction du Roi de l’Epinette. On pourrait croire que le roi
est fort
aise
d’être nommé. Mais au
contraire ! Il supporte presque
tous les frais de la
fête, soit près de 1000 Livres ! Les plus
riches
bourgeois sont
systématiquement choisis pour cet honneur…
empoisonné.
Inutile de dire que
chacun trouve les meilleures raisons du monde pour décliner
la
proposition,
pour partir en voyage ou pour tomber brusquement malade. Devant de tels
problèmes, les Echevins durent lever un impôt
spécial sur le sel et les amendes
pour financer la fête.
Quelles sont les sources
pour aller
plus loin?
Voici juste quelques pistes. Certains sont disponible en ligne.
(1) Derode, Victor. Histoire de Lille . Paris : Hebrard -
Leleu,
1848.
(2) Saint-Léger, Alexandre de. Lille sous la domination des
Ducs
de Bourgogne Lille : G. Dubar, 1909.
(3) Rosny, Lucien de ; De Vigne, Félix. Histoire de Lille -
capitale de la Flandre française depuis son origine jusqu'en
1830 Figures dessinées par l'auteur et gravées
par M. F.
Devigne Paris : Téchener - Petitot, 1838.
(4) Roisin, Jean ; Brun-Lavainne, Elie Benjamin Joseph. Franchises,
lois et coutumes de la ville de Lille - ancien manuscrit à
l'usage du siège échevinal de cette ville,
contenant un
grand nombre de chartes et de titres historiques concernant la Flandre
Lille : Vanackere, 1842.
(5) Braure, Maurice. Étude économique sur les
chatellenies de Lille, Douai et Orchies - d'après des
enquêtes fiscales des XVe et XVIe siècles Lille :
E.
Raoust, 1928.
( 6) Nicole ROGIER, L'hospice Gantois, Lille, mémoire, 1959.
( 7) Béatrice de SAINT-JEAN, L'hôpital Gantois de
1462
à 1730, Lille, mémoire, 1984.
( 8) Paul GELIS, L'hospice Comtesse de Lille, Congrès
Archéologique de France, Flandre, 1962, vol.120, p.186-192,
(9) Aude CORDONNIER, Musée de l'Hospice Comtesse : miroir de
Lille et des Pays-Bas (13ème-20ème
siècle),
Editions Castermans, Tournai, 1994, 176 p.
(10) Dr Alain GERARD, Chronique illustrée d'un
siècle de
vie à l'hôpital Saint-Sauveur (1815-1914),
Bulletin de la
Commission historique du Département du Nord, tome XLIV,
1987-1988.
(11) -, L'hôpital Saint-Sauveur à Lille
1215-1960,
NPN Médecine, n° 189 novembre 1992-n° 190
décembre 1992.
(12) Marie-Hélène COSTES, L'hôpital
Saint-Sauveur
au Moyen-Age, Lille, mémoire, 1970.
Pour aller plus loin, on lira les sources primaires des chroniqueurs de
Lille: Jacques du Clerq, 1420-1465, conseiller aux Etats de la Flandre
wallonne, Jean de Wavrin, Jean de Dadizelle 1431-1481 etPhilippe de
Comines 1446-1511.