Les Institutions dans la ville de Lille


Lille héberge deux strates de gouvernement : la chambre des comptes Ducale et l’échevinage de la ville. Elle abrite en plus deux cours particulières d’origine féodale. Une difficulté souvent rencontrée lors d'une première lecture est l’absence de notre séparation usuelle des pouvoirs. La même chambre aura bien souvent un rôle politique et un pouvoir juridique, le plus souvent en tant que cour d’appel des échelons locaux.

Les leviers du pouvoir…

A la question fondamentale de l’affermissement du pouvoir en Flandres (par simplification et abus on parlera de Flandres par opposition aux possessions de la maison ducale en Bourgogne), Philippe le Bon et les ducs de Bourgogne mènent une politique visant à s'attacher l'élite locale. Elle prend la forme de privilèges, de libertés commerciales ou même l’obtention de titres de noblesse. Devant tout, ou beaucoup, au Duc, ces familles influentes lient leur destin à celui de l’état. Un manque de soutien de leur part entraînerait la perte des avantages et la ruine. Si les élites furent facilement séduites, l’effet envers les classes moyennes et les communes fut désastreux. Toute intervention et tout privilège, en particulier dans les domaines commerciaux, est ressenti comme une intrusion insupportable dans l’autonomie de la commune et comme une menace pour sa prospérité.

Une politique ruineuse et politiquement mal avisée…

Pour maintenir son train de vie (la maison ducale étant le principal moteur des dépenses), la Bourgogne essaye de rogner sur les dépenses et paye relativement peu ses officiers et fonctionnaires. L’effet pervers est l’incitation des fonctionnaires à améliorer l’ordinaire par tout un système quasi officiel de gratifications et prébendes diverses qui s’apparentent bien souvent à une taxe déguisée. Si on ne peut parler de corruption au sens propre, cette « mordita » est fort mal vécue.

La vente des charges est une mesure temporairement efficace, mais tout comme en France à l’époque moderne, elle a de nombreux effets pervers : arrêt de « l’ascenseur social » donnant un échappatoire aux désirs de la bourgeoisie et des riches laboureurs, nominations indépendantes de la compétence réelle. Le don de certaines charges comme récompense de la fidélité politique met en fureur nombre de communes, tout comme les abus auxquels se livrent les nouveaux officiers qui se remboursent de leur achat sur les administrés.

Cette politique ne peut fonctionner que si le Duc renforce les organes de contrôle et statue avec justice sur les cas d’abus manifestes, mais même dans ce cas, la fidélité de la population est loin d’être acquise et toute intervention est ressentie comme une agression.

Philippe le Bon réussit à construire et maintenir l’état grâce à un sens politique certain et malgré quelques erreurs tactiques, mais son œuvre disparue rapidement avec Charles le Téméraire

L'article présente tout d'abord les diverses administrations puis décrit spécifiquement celles présentes à Lille.


Institutions politiques "centrales"

Grand Conseil
Juge en dernier ressort et peut annuler les sentences des Chambres du conseil, émanation du conseil de la Cour. Composé d’un nombre restreint de proches, il suit le duc dans ses déplacements.

Conseil de la Cour
Véritable centre de gouvernement, il accompagne le duc dans ses déplacements. Sous le règne de Philippe le Bon, il est présidé par le chancelier de monseigneur le Duc de Bourgogne Nicolas Rolin.


Etats Généraux , Conseil des Flandres, Etats de Bourgogne, Echevinages, Communes, Châtellenies… Cette partie bien connue n’est pas développée. Il suffit de se rappeler que Philippe le bon a systématiquement privilégié les Etats au détriment des fort remuantes communes.


Institutions financières


L’administration du Receveur Général des Finances
Comme son nom de l’indique pas, est seulement chargée des encaisses et dépenses. Elle reçoit ses ressources ordinaires et donne des ordres aux Receveurs Généraux (de Flandres…) qui ont eux même autorité sur les Receveurs ou Receveurs Particuliers de Lille, de Saint-Omer…). Elle encaisse des ressources extraordinaires, c’est à dire des emprunts contractés auprès de municipalités ou de particuliers. Elle paye toutes les dépenses de l’état.

                Receveur des Duchés et Comtés de Bourgogne

                               Trésorier de Sains

                               Receveur d’Autun

                               Receveur de la Montagne

                               Trésorier de Dole

                               Receveur de Charolais

                Receveur Général de Flandres et d’Artois

                               Receveur de Cassel

                               Receveur de Lille

                               Receveur de Douai

                               Receveur d’Arras

                               Receveur d’Hesdin

                               Receveur de Bapaume

                               Receveur de Lens

                               Receveur de Saint-Omer

                               Receveur d’Aire

                               Receveur de Tournehem

                               Trésorier de Boulonnais

L’Epargne, qui est gérée par le Garde de l’Epargne.
Caisse privée du Duc de Bourgogne, elle qui permet de répondre aux dépenses imprévues et urgentes. Elle conserve aussi les « économies du comte » sous forme de vaisselle précieuse monnayable.

L’administration des « commis sur le fait des finances »,
créée en 1446, qui a un rôle de gestion et de contrôle des finances.

                Chambres des Comptes de Lille

                Chambres de Comptes de Dijon

                Chambre des Comptes de Bruxelles

                Chambre des Comptes de La Haye

Dans ces ville existe une Chambre des Comptes, chargée de vérifier et certifier les finances des receveurs. A Lille, elle est sous les ordres de Jean de Pressy, le maître de la Chambre des Comptes et de Nicolas Le Prévost, le receveur général des Finances. Elle est aussi chargée du contrôle général.




Institutions Juridiques (Pays Bas Bourguignon uniquement)


« Flandre Française »


Conseil de Flandres ou Conseil de Justice

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Souverain Bailli de Flandres

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Souverain Bailli de Lille

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Bailli de Lille

Bailli de Douai

Bailli d’Orchies


Autres conseils


- Chambre du conseil de Brabant, le Raetcamer, située à Bruxelles et présidée par le chancelier de brabant, 11 conseillers

- Conseil de Hollande, le Hof Van Holland,  située à La Haye et présidée par le gouverneur de Hollande

- Conseil de Luxembourg, Conseil de Namur, Conseil du Hainaut…

La justice est rendue au niveau local par les tribunaux échevinaux ou les baillis. L’appel est fait à la Chambre du Conseil des Flandres en cas de contestation. Les territoires situés à l'ouest de l'Escaut, qui appartiennent en théorie à la France, disposent d'une possibilité d'ultime recours auprès du Parlement de Paris, la cour suprême française.

Il existe une lutte sourde entre les instances du premier degré qui appliquent un droit coutumier modifié par les privilèges et franchises acquises et les cours ducales basées sur le droit romain.







Institutions dans les région des Flandres

Administration centrale basée à Lille ou à proximité

Justice

Conseil de Flandres

Audenarde (1405) puis Gant.(1407)

Situé à Ypres en 1451-1463


Cinq conseillers sur le fait de la justice
Clercs et greffier

Chargé des appels des sentences de Lois, c’est à dire des appels des échevinages et bailliages, du maintien de l’ordre en général (donc pouvoir de police, de lutte contre les débordements…)


Finances

Chambre des Comptes de Lille

Quatre conseillers sur le fait des comptes. Chargée de l’inspection des comptes des receveurs, de la gestion et conservation du domaine du comte, de l’inspection des plaintes contre les agents comtaux en matière financière.


Vérification des comptes du
- Receveur général de toutes les finances
- Maître de la chambre aux deniers, agent comptable en charge des finances de l’hôtel de bourgogne.


A l’origine, ce conseil créé en 1386 par Philippe le Hardi est composé de fonctionnaires ducaux, il a des pouvoirs politiques, financiers et judiciaires (instance d’appel). C’est la plus haute instance régionale de recours pour les jugements des échevinages urbains et des tribunaux locaux. Il assiste le duc dans les affaires politiques. Il est scindé en 1405 en une section financière et une section judiciaire. Compétent pour le comté de Flandre, Artois, Anvers et Malines


Institutions autonomes situées à Lille :

Indépendamment des chambres nationales, il existe encore quelques cours originales issues de la féodalité. Leur pouvoir diminue au fil du temps. Le Souverain Bailli de Lille est lui une exception. Il a été mis en place lors de la domination Française. Le Duc de Bourgogne l’a conservé et le roi le nomme avec son accord. Il a une fonction purement juridique et financière et il n’intervient pas dans les affaire politiques.

  • Cour Féodale de la Châtellenie. Cour où les vassaux du comte sont jugés par leurs pairs.
  • Juridiction des Timaux. Tribunal composé de détenteurs de Francs-alleux chevaliers, jugeant les litiges des domaines. Ils sont appelés échevins de Timal et jugent sous la présidence du Bailli de Lille.
  • Bailli de la châtellenie de Lille chargé du maintien de l’ordre, exécution des sentences et de la perception des revenus dans les zones rurales.  Il dispose d’Officiers subalternes, écoutères, prévôts, ammans. Les Sergents sont de simples agents d’exécution.




Institutions locales

Châtelain

La ville a toujours eu un châtelain, mais son pouvoir est très nominal et honorifique étant donné que les franchises de la ville lui accordent une autonomie presque totale. Il est très peu fait référence à eux. La ville leur rend hommage, et eux s’engagent à défendre ses privilèges , en particulier contre le bailli (qui dépend lui du Roi et qui est en lutte permanente avec les Echevins).

Mayeur et Echevins de Lille

En plus du mayeur, 12 Aristocrates, interdit aux célibataires, bourgeois non nés à Lille, avocats et plaideurs. Ils sont choisis par le conte sur recommandation des ecclésiastiques des paroisses en présence de l’aristocratie de la châtellenie et des bourgeois. L’avantage pour le comte est de nommer des échevins zélés et dociles… mais ces derniers ont plus intérêt à le satisfaire qu’à défendre les finances de la ville, et ceci d’autant plus qu’ils peuvent eux même trouver leur intérêt dans les déficits. Ils ont aussi un rôle de justice, puisqu’ils contrôlent les pacificateurs. Cela les fait régulièrement entrer en conflit avec le bailli qui est l’autorité juridique pour la châtellenie.

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Membres du Conseil de la Ville

Composé du  Reward de l’Amitié, 4 voir-jurés et huit jurés. Ensemble, les Echevins et les membres du conseil forment la municipalité, mais dans la pratique les Echevins imposent leurs décisions. Le conseil est renouvelé à la toussaint.

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Administration Centrale

Finances : huit bourgeois, chargés de l’assise de la taille

Gestion : quatre comtes de la Hanse, trésoriers de la ville

Justice: cinq pacificateurs ou appaiseurs chargés des différents entre bourgeois. Ils apparaissent comme des médiateurs chargés d’éviter les vendettas.

Charité : gard’orphènes, chargés de l’administration des biens des orphelins.

Commerce : mayers de la Draperie, chargés des litiges portant sur la principale activité de la ville, la draperie

Police : prévôt, son lieutenant et 12 sergents.

Commandement militaire
Capitaine

(poste attribué uniquement en cas de danger pressant)

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Quarteniers ou commandants des milices communales

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Milice des Bourgeois

Serment des Arbalétriers

Serment des Archers

Serment des Couleuvriniers

Le service militaire dans les « Serments » semble avoir été fort populaire, puisqu’en contrepartie, les membres ont du vin gratuit, une cotte d’arme tous les deux ans et de l’argent pour les frais de banquet. Ils sont de plus rétribués pour maintenir l’ordre dans les manifestations publiques comme les foires et exécutions.

Les ecclésiastiques ne sont pas dispensés.

Comme on le voit, et comme bien souvent à l’époque, les juridictions sont étroitement imbriquées voir même emmêlées : en cas de découverte d’un corps, il faut avertir les échevins (juridiction locale), puis quérir le bailli (créé lors de la domination royale au XIVe) ou le prévôt ou le châtelain. Le lieutenant dépend du prévôt, mais peut avoir à prendre ses ordres du bailli. Les pauvres sergents doivent prendre leurs ordres d’à peu près tout le monde, vu que les mêmes peuvent être sergents du bailli ou du prévôt. Si le coupable est un bourgeois, les échevins ont toute autorité sur lui et le font attraper par le prévôt, sinon c’est le bailli qui reprend la main. 

Un autre défaut immédiatement visible est que les comtes de la Hanse, l’organe de vérification des comptes et des dépenses des échevins est… choisi par lui.



[1] D’après les archives de Lille, le titulaire est Grard de Hocron, nommé Bailli de Lille le 10 novembre 1451.  Il a lui même nommé Jehan Warin, nommé Lieutenant du Bailli de Lille le 18 novembre 1451.




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