La Hanse des marchands

D’après le Syndic de Lübeck, répondant en 1468 à Edward IV, la Hanse n’est ni un pays, ni une corporation ni une guilde. Elle ne possède rien en propre, elle n’a pas de représentants en tant que tels. C’est une alliance de villes indépendantes dont chacune peut avoir une politique autonome dans la poursuite de ses buts, qui sont un négoce facile et sûr. Elle n’est pas contrôlée par les marchands, puisque chaque ville a un gouvernement (ce qui ne veut pas dire que les marchands ne gouvernent pas les villes). Elle n’a pas de sceau, elle n’a pas de gouvernement, puisque les assemblées ne sont qu’un lieu de rencontre des émissaires de chaque ville. L’assemblée n’a pas autorité définie et d’ailleurs il n’y a pas d’obligation impérieuse à venir à l’assemblée.

Cette définition est bien pratique : en jouant sur les mots, elle dédouane l’organisation des actes de ses membres… La Hanse en joue, car elle refusera toujours de donner une liste exacte et définitive de ses membres. De nos jours, définir la Hanse est difficile et nos termes sont inexacts et réducteurs.

Son nom vient d'un vieux mot allemand « Hansen » qui signifie associer, revient à la considérer comme une association de marchands exerçant une activité commune. Il veut aussi dire « communauté » ou « foule » liée par les mêmes règlements (on ne saurait parler de loi, puisqu’il n’y a pas de gouvernement). La moins mauvaise définition serait « un ensemble de villes essentiellement impériales partageant l’avantage des privilèges accordés à l’association commerçante appelée Ligue Hanséatique » ou une « fédération de villes indépendantes ». C’est cette définition à la fois très précise et très vague qui provoque le plus de confusion. Certes il existe une réelle solidarité entre les membres engendrée par une communauté d’intérêt et des efforts pour établir une véritable structure fédérale, mais dans les faits, il n’y a pas eu de représentant officiel, de traité d’allégeance commun ou de statuts avant le XVIe siècle.

Il n’y a pas de date de création officielle. Au fil du temps, des accords bilatéraux et informels acquirent force de loi. Les premiers écrits datent de 1252-53 lorsque des envoyés de Lübeck et Hambourg, agissant en leur nom propre et en celui des allemands commerçants dans les Flandres négocièrent avec la Comtesse Marguerite. L’apparition du nom de "Hansa Almaniae" date de 1282 et se réfère au comptoir de Londres. En 1343 Magnus Erikson de Norvège accorde la liberté de commerce et la franchise de taxe aux marchands "de hansa Teutonicorum.".

Les villes du nord de l’Europe faisaient face aux même dangers : navigation difficile, piraterie, nécessité d’établir des liens commerciaux, désir de stabilité… L’alliance temporaire de marchands était la réponse logique. Elle commença sur la route du sel, reliant la cote à Kiel, puis sur le canal reliant Hambourg à Lübeck. L’alliance entre les villes de Hambourg et de Lübeck date de 1241 et de nombreuses autres villes se rallient progressivement : Rostock, Wismar, Stralsund, Szczecin, Elbing…

Ces deux villes étaient idéalement placées de part et d’autre de la péninsule danoise et leur économie était complètement imbriquée : Lübeck avait accès aux eaux de la Baltique et produisait d’importantes quantités de poisson (un met fort demandé pour les jours maigres). Or sa conservation demande avant tout d’importantes quantités de sel, spécialité de l’autre ville. Des villes importantes rejoignirent bientôt le premier groupe : Cologne, ville déjà fort riche, Dantzig, le plus grand port de l’Est de la Baltique
Lübeck est une grande ville du Nord du Saint Empire. C'est la plus grande ville de l’Empire après Cologne. Elle est sur un îlot aux confluents de la Wakenitz avec la Trave, une rivière qui s'ouvre dans la mer Baltique un peu au nord-est, dans le quartier de Travemünde. Elle a été refondée par Adolphe II, comte de Schauenburg et Holstein et encore par Henri le Lion en 1159 après un deuxième grand incendie. En 1226, Lübeck devient ville impériale. Elle est la capitale indiscutable de la Hanse. Son droit, le lübisches Recht est utilisé dans nombre de grandes villes Impériales. J’ai beaucoup aimé ses petites maisons de briques rouges.

Plus de soixantaine de villes appartinrent à la ligue à un moment ou à un autre. Les commerçants établissement rapidement des comptoirs et des lieux d’échanges comme sur l’île de Gotland et surtout à Novgorod, le pendant nordique de Constantinople pour les échanges entre l’Orient et l’Occident. La pénétration des marchés s’accentua avec l’obtention de privilèges. Constantin dote l’établissement de Novgorod, le Peterhof, de nombreux avantages. L’Angleterre et la Flandre suivirent (privilèges de 1253 et 1253 par la comtesse Marguerite II de Flandre).

Suivant son principe fondateur, la ligue mena la guerre aux pirates et autres brigands tout en développant la sécurité de la navigation avec des phares et la cartographie des côtes. Les biens les plus échangés étaient les céréales, le bois, les fourrures, le goudron, le miel contre des produits manufacturés d’origine flamande ou du cuivre et de l’or suédois.

Les décisions sont prises lors de Diet (régulières) ou de Diet Générales lorsque survient un événement important). La tenue de Diet ou « Hansetag » était irrégulière – mais suivait normalement un cycle triennal. Elles se déroulaient le plus souvent à Lübeck et ont pour but de définir la politique générale de la ligue. Le premier problème est que toutes les villes n’envoyaient pas de représentants (bien que ce soit obligatoire et passible d’amende) pour des raisons très diverses : coût, désaccord interne, blocus ou rebellions… Second problème, elles ne menaient souvent à rien de bien constructif étant donné les divergences d’intérêt entre les villes et n’avait d’ailleurs qu’un rôle consultatif.

Aussi les assemblées régionales comme celles des Rhennish (pays du Rhin), Wendish (Baltique) et Prussiennes (à partir des terres des Chevaliers Teutoniques) dominaient. Elles se réunissent plus souvent et ont un ordre du jour souvent plus large que celui, stricto sensu, des affaires de la ligue : négociations locales, organisation des droits de passage… Mais l’égalité de traitement n’était pas assurée puisque certaines villes profitaient de leur emplacement pour imposer leur desiderata. Lübeck, en particulier était non seulement une ville libre, mais aussi idéalement placée comme relais est-ouest. Les assemblées générales et locales avaient aussi un rôle judiciaire et permettaient de résoudre les conflits entre les membres.

Au niveau le plus bas se trouvait la ville. La structure politique de chacune d’entre elles varie grandement : certaines dépendaient directement d’un noble et possédaient ou non une charte et des privilèges. Certaines dépendaient des Chevaliers Teutoniques dont le Grand Maître était à la fois le protecteur officiel, mais aussi le seul prince indépendant représenté à la Diet. D’autres, comme encore une fois Lübeck étaient des villes libres, c’est à dire dépendant directement et uniquement de l’Empereur. En pratique, elles étaient totalement autonomes et soumises à des pressions centripètes émanant de leurs élites. Celles ci menaient le plus souvent une sourde lutte d’influence, entre les syndics et conseillers, qui dépendaient plus ou moins de la ligue et avaient son soutien et les Guildes qui essayaient d’accroître leur puissance politique et d’obtenir des privilèges. En plus se rajoutaient les classique luttes claniques et familiales.

Vis à vis de l’extérieur, les représentants sont les Kontor, c’est à dire un comptoir-ambassade (le terme est impropre car la ligue n’est pas un état souverain). Il est dirigé par un représentant bénévole – entendons par là non payé par la ligue mais libre de mener ses affaires à sa guise – possédant son propre sceau, d’une caisse propre et le statut légal de corporation. De nos jours, nous parlerions de personnalité morale et d’autonomie financière. Il est choisi parmi les hommes mariés de bonne réputation et s’engage à rester à son poste pendant un an (c’est à dire jusqu’au retour des navires du convoi annuel suivant). A partir de 1346, leur autonomie se vit réduite et ils dépendirent plus directement des villes. Les plus grand comptoirs sont ceux de Londres, Wisby, Bruges, Novgorod et Bergen. En Angleterre, l’implantation fut rendue difficile par la présence de l’alliance de Cologne (reconnue depuis le milieu du XIIe siècle). En 1266-67, le roi d’Angleterre accorda les même privilèges à la ligne. En 1281, l’ « Osterlinge» (la ligue) et Cologne établirent le « Hansa Almaniae », le premier comptoir.

Il ne faut pas concevoir ce comptoir comme un poste d’échange dirigé par un homme, mais comme un ensemble d’entrepôts et de bureaux indépendants. Chacun représente une ville ou un marchand.

Il est difficile d’avoir un décompte précis des membres : les admissions et exclusions se succédaient et les comptoirs pouvaient ne pas reconnaître l’admission de certaines villes (ce qui leur permettait de ne pas avoir à leur accorder les privilèges). Traditionnellement, on considère qu’environ 60 villes étaient membres simultanément, mais la littérature avance un nombre total entre 60 et 200 en comptant les villes dépendant de villes plus importantes. A partir du XVe siècle, on recense 72 villes de plus ou moins grande importance. La Baltique explique la domination des villes côtières sur celles situées dans les terres. Ces dernières ont mal vécu leur place de second rang… ce qui a pu faciliter l’affirmation du pouvoir politique des princes à partir du XVe siècle.

L’adhésion est relativement simple. La première condition est d’avoir en ville des marchands se livrant à des activités commerciales en rapport avec celles de la ligue. Dans un premier temps, cette condition suffit. A partir du XIVe siècle, la ligue statue ensuite sur l’adhésion. Sa décision est essentiellement basée sur une politique pragmatique : qu’apporte la ville au groupe ? et est elle en compétition avec d’autres membres ? Cette dernière raison explique probablement le refus d’Utrecht en 1451. Une des rares raisons d’exclusion est le « gouvernement de la ville par un groupe, monarque ou syndic non reconnu par la ligue». Or, les gouvernements en place, le plus souvent semi oligarchiques ou de type patricien/clientèle sont soumis à la pression des princes, aux révoltes populaires et à la fronde des élites bourgeoises.

Les méthodes commerciales de la Hanse sont simples et fondées sur quelques principes

·        Eviction des marchands étrangers du cœur de son activité (Allemagne du Nord, Baltique), presque selon des préceptes mercantilistes.

·        Acquisition de privilèges auprès des souverains Européens en usant en particulier de cadeaux ou de prêts.

·        Association libre des marchands de la ligue entre eux.

·        Les navires préfèrent évoluer en groupe pour limiter les risques d’attaque mais on ne peut pas vraiment parler de convoi organisé. Comme les navires ne savent pas remonter au vent, la navigation suit le plus souvent une périodicité annuelle.

En cas de défaillance, de perte de privilèges ou de concurrence, les méthodes de rétorsion sont très variées : Boycott (contre Bruges en 1358 pour protester contre la perte de privilèges), blocus naval ou guerre de course, comme entre 1469 et 1474 contre l'Angleterre. Son souverain dut restaurer les privilèges et restreindre la présence de ses propres marchands en Baltique. La guerre ouverte est possible, comme celle de 1360 contre le roi Waldemar IV du Danemark qui finit à l’avantage de la ligue en 1370 avec la paix de Stralsund.

Les pratiques commerciales sont bien loin de celles des grandes compagnies. La plus grande erreur serait de comparer la Hanse avec un monopole régulé. Il s'agit plus d'une communauté d'intérêts dont les membres poursuivent les mêmes buts - ce qui n'empêche pas un concurrence féroce entre les marchands de la même ville. Les pratiques connues sont :

Le commerce individuel : un commerçant affrète un navire ou le commande et conduit lui même son négoce. Il est donc, par nature, constamment sur les routes. Cette pratique est peu courue car la perte du navire peut signifier la banqueroute. Aussi, l’association est largement préférée.

L'association entre quelques commerçants, le plus souvent temporaire et destinée à un objet précis comme par exemple la réalisation d'une vente précise. Elle permet de répartir les risques en étant propriétaire d'une partie de la cargaison. Cette association peut être prorogée ou devenir quasi permanente. Prendre des parts dans un navire est une opération courante. Le capitaine est le plus souvent l’un des associés et les marins ont eux aussi droit à une part de la cargaison.

Le contrat de représentation mutuelle (terme anachronique, mais il n'existe pas de terme contemporain vraiment similaire) appelé « Sendeve » ou « Wederlagginge » est réellement typique de la Hanse. Deux ou plusieurs commerçants situés dans des villes différentes s'allient. Chacun d'entre eux devient l'agent commercial de l'autre et revend les marchandises pour leur profit commun, les procédures de répartition des bénéfices pouvant être effroyablement compliquées. L'avantage de cette méthode est que chaque commerçant peut avoir un correspondant dans chaque ville sans pour autant supporter de frais. Il y a cependant de nombreux inconvénients : ces alliances ne sont pas consignées où que ce soit, il n'y a pas de contrôle centralisé... ce qui nécessite une totale confiance entre tous les partenaires.

Tous ces contrats sont encouragés par la pratique du prêt hypothéqué sur la cargaison. Le prêteur impose une clause de réservation de propriété sur une partie de la cargaison (typiquement celle achetée grâce au prêt) et se rembourse au retour du navire. Evidemment un prêteur répartit ses prêts sur plusieurs navires pour se couvrir en cas de perte (fortune de mer, piraterie). Le système a deux avantages : il permet à des commerçants non naviguant d’acquérir des parts en commun et aux naviguant de ne pas avoir à gager tous leurs biens. Vis à vis de l’Eglise (le prêt à intérêt est toujours mal vu), la participation permet d’éviter d’avoir à parler de prêt, mais plutôt de taux d’échange ou de rachat préférentiel des marchandises.

Au XVe siècle, la Hanse se met progressivement à utiliser les méthodes méridionales et de plus en plus de contrats sont établis par correspondance, tout au moins en Europe de l'Ouest. En effet, le manque de grands centres financiers à l'Est (donc l'absence de possibilité de compensation financière des lettres ou titres de change) implique l'envoi direct de fonds et de biens.

1358 Première réunion de la Diet à Lübeck. Confrontée à une perte possible de ses privilèges en Flandres, elle décida un embargo qui réussit pleinement. Les privilèges furent restaurés et des compensations payées.

Vers 1360. La lutte commerciale avec le roi Waldemar IV du Danemark atteint son paroxysme. La ligue avait soutenu son accession au trône .

En 1361, le roi Waldemar Atterdag attaqua le comptoir de Wisby. Les raisons de l’attaque sont probablement économiques : faire savoir à la Hanse qu’il dominait la Baltique. Très logiquement, la Hanse proche de la mer Baltique, et plus particulièrement la ville de Lübeck réagit violemment et poussa à la guerre. Les villes Rhénanes cherchèrent à temporiser, ne voyant pas l’avantage de cette guerre. Les chevaliers Teutoniques – dont le grand maître était un ami de Waldemar - interdirent aux villes de l’Est de prendre part à la guerre (directement s’entend : elles transférèrent des fonds pour soutenir l’effort). On voit bien ici les limites de la ligue : devant une attaque directe, les réactions divergent et elle ne fait pas front commun.

En tout état de cause, la partie Baltique (donc Wendish, sans les Prussiens ou les Rhénans) déclara la guerre en 1362 et envoya Johann Wittenborg de Luebeck 52 cogs, chargés chacun de 100 hommes d’arme et 104 navires plus petits. Cette importante armée, plus de 5000 hommes prit facilement Copenhague (et ses cloches) puis se retourna vers la forteresses de Halsingborg pour rejoindre le roi de Suède Magnus Erikson, le souverain – au moins nominal – du Gotland. Malheureusement pour eux, le roi n’était pas là lorsqu’ils commencèrent le siège (pourquoi ?) et la flotte danoise surprit les navires presque vides. Johann Wittenborg fut obligé de demander la paix, et malgré les réclamations de Lübeck, la Hanse demanda et obtint sa tête. Les termes de la paix (1365) étaient très défavorables à la Hanse : perte de presque tous les revenus des pêcheries.

Waldemar fit alors sa plus grande erreur. Considérant que seules les villes de l’ouest (les Wendish) avaient signé la paix, il continua ses attaques sur les navires des villes Prussiennes. Ces dernières demandèrent la réouverture des hostilités… sans être soutenues. Les Wendish avaient trop perdu et étaient de facto hors jeu et les Rhénanes temporisaient encore.

Waldemar se sut pas où s’arrêter et finalement les Prussiens et les Hollandais déclarèrent directement la guerre, soutenus par les Wendish, en formant la « Confédération de Cologne », une version renforcée de la ligue financée par les droits de douane. L’Ordre Teutonique, dont les revenus avaient trop souffert des attaques de Waldemar, resta à l’écart alors que la Suède, Mecklenburg et le Holstein – tous les voisins des Danois - rejoignaient l’alliance. Waldemar fut bientôt obligé de fuir de Copenhague, de demander protection… au Grand Maître des Teutoniques et de signer une paix infamante (paix de Stralsund en 1370): perte des revenus des pêcheries, pertes des forteresses du détroit du Skagerak au profit de la Hanse comme garantie du paiement de réparations, droit de veto sur l’élection du prochain souverain Danois pendant 15 ans.

Au terme des 15 ans, la Hanse fit un mouvement politiquement habile en forme de signal envers les princes de la région : rendre les forteresses (1385). Elle signifiait par là qu’elle se concentrait sur les affaires économiques et pas sur le pouvoir temporel. La possession des forteresses lui avait cependant rendu un grand service en interdisant l’accès de la Baltique aux Anglais et Hollandais. Cette rétrocession était aussi fortement soutenue par les villes de l’ouest de la Baltique qui voyaient d’un mauvais oeil les Prussiens contrôler les accès et commercer directement avec les comptoirs. Certains auteurs avancent que le but des Wendish était avant tout de redevenir une étape incontournable entre l’est et l’ouest. Normalement, l’Ordre Teutonique aurait du secourir ses villes, mais il avait déjà bien des problèmes avec l’alliance Polo-Lithuanienne.

Presque au même moment (1397), la Norvège, a Suède et le Danemark furent réunis sous la même couronne par l’Union de Kalmar. Cette union aurait pu signifier la mort de la Hanse, mais elle eu de la chance : le Duc Albrecht de Mecklenburg, l’ennemi le plus direct de la couronne se finançait à l’aide de pirates comme Vitalienbrüder ou Klaus Störtebeker avec  Wismar et Rostok comme port d’attache. La ligue, conformément à son but, lutta contre les pirates (en passante, le Duc en souffrit grandement), ce qui lui valu la reconnaissance de l’union et le renouvellement de ses privilèges

En 1410, après Tannenberg, les Chevaliers Teutoniques perdirent énormément de leur puissance, fragilisant la Hanse à l’Est.

Le déclin de la ligue commença avec l'affirmation du pouvoir central dans de nouveaux pays bien plus puissants que les petits états-nations hanséatiques. Le rapprochement de la Lituanie et de la Pologne (1386), celui du Danemark de la Suède et de la Norvège (1397) minèrent sa puissance autour de la Baltique. Pour lutter, la Diet de Lübeck en 1418 propose l’établissement d’une véritable alliance de villes, mais cette réforme échoua. Entre 1426 et 1435, les Danois, à la suite d’une suite d’incidents et de combats, firent fermement savoir qu’elle entendait bien avoir droit au chapitre dans le commerce en Scandinavie.

Face à ces périls, la ligue répondit d’une manière décousue où l’intérêt de chaque vile prima, limitant la réponse aux villes les plus directement visées. Elle échoua en particulier en 1442 lorsque Frédéric II s’empara de Berlin-Cölln.

 

Et pour le futur ?

La ligue est en difficulté. Nombre de princes critiquent ouvertement les privilèges accordés. Des rumeurs laissent entendre que l'Angleterre pourrait fermer ses ports. Déjà, le voyage vers Hambourg est rendu dangereux par les pirates Frisons.

Les relations anglaises avec la Hanse se détériorent petit à petit, et vont arriver à un état de quasi guerre, lorsque des navires anglais seront saisis en 1468 par des navires Danois. Edward IV soupçonna l’influence en sous main de la Hanse et fit emprisonner ses représentants à Londres tout en saisissant leurs biens pour compenser les pertes subies. Cologne saisit le prétexte pour faire bande à part. elle quitta le comptoir et refusa de payer les taxes. En 1471 elle fut exclue. Grâce à un coup de chance énorme, le roi d’Angleterre fut chassé du trône, se réfugia aux Pays Bas et demanda de l’aide… à la Hanse, qui lui permit de recouvrer le trône contre le renouvellement de ses privilèges (paix d’ Utrecht 1474). C’est le dernier grand succès de la Hanse.

La stabilité économique d'un port dépend de deux éléments: la sécurité des transports et l'existence d'un marché intérieur capable soit d'absorber la production soit d'offrir des biens à la vente. Aussi, l'importance relative des centres de commerce évolue constamment. Pour notre période, les Flandres et la Normandie perdent petit à petit de leur importance devant le développement de places plus importances aux Pays-Bas et des ports liés au commerce Africain. Un dernier élément est tout simplement la nature qui conduit à l'ensablement irrémédiable de certains ports des Flandres.

De très nombreuses raisons concourent à expliquer la chute de la ligue hanséatique. Elle n’est pas le fruit d’un unique événement mais la conséquence d’une progressive décadence jusqu’à la fin du XVIe siècle. Quelques causes :

·        La montée en puissance des commerçants hollandais à partir du début du XVe siècle qui mena à la diminution des privilèges et la reprise en main du commerce dans la mer du Nord.

·        Les guerres menées par la ligue conduisirent à la création de véritables corsaires avec lettres de marque. Après la paix, ils versèrent rapidement dans la piraterie, en particulier autour du Gotland.

·        Les zones de fraies des bancs de poisons changèrent brusquement et passèrent de la Baltique à la Mer du Nord

·        Les nouveaux navires comme les caravelles, plus maniables et meilleures contre le vent, commencèrent à prendre le dessus sur les cog.

·        L’égoïsme commence à prévaloir pour toutes les villes. Par exemple Lubeck commerce directement avec l’Islande, court-circuitant le comptoir de Bergen.

·        Les grandes compagnies commerciales allemandes comme les Fuggers concurrencent directement la ligue dans le sud.

·        Le coup de grâce fut porté à l'Est par la fermeture du comptoir de Novgorod en 1494 par Ivan III et par la réorientation globale des routes commerciales subséquente à la découverte de l'Amérique.

Bibliographie

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http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Gallica&O=NUMM-30756

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